Christophe Prochasson publie un livre qui ne va pas plaire à tous les gens de gauche : "La gauche est-elle morale ?" (Flammarion). La question morale est devenue l’un des aspects, et non des moindres, de la question sociale. Pour le pire et le meilleur, on peut même s’attendre à ce que la première s’installe à la place de la seconde. De la même façon que la question sociale prit progressivement, au cours du XIXe siècle, les teintes chatoyantes de la politique, la question morale est en train d’absorber, sous nos yeux, toute la politique, son langage comme son horizon, ses ressorts émotionnels comme son répertoire d’actions collectives. On l’a vue surgir au centre de la dernière campagne présidentielle de 2007 durant laquelle s’affrontèrent d’ailleurs moins deux morales que deux moralismes. Porté tout à la fois par les deux adversaires du second tour, à gauche Ségolène Royal, à droite Nicolas Sarkozy, le discours sur de prétendues "valeurs", où se mêlent dans le plus grand désordre l’égalité, la fraternité, le travail, la famille voire l’économie de marché et le contrôle des frontières, tend à éliminer les controverses d’idées. Faut-il s’en réjouir, faut-il le déplorer ? C’est à quoi s’emploient à répondre les pages de ce livre en s’appuyant sur l’histoire.
Directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Christophe Prochasson est spécialiste d’histoire intellectuelle. Il a entre autres dirigé avec Vincent Duclert le "Dictionnaire critique de la République" et contribué au "Dictionnaire des intellectuels français".