Dans son dernier livre, « Faut-il renoncer à la liberté pour être heureux ? », sorti le 5 février 2014 (Les Liens qui Libèrent Editions), Roland Gori évoque le bonheur, le bien-être, la liberté, la réussite mais aussi la politique, le numérique, mais surtout les liens pas toujours si positifs entre toutes ces notions.
La promesse du bonheur
Il est vrai que le bonheur fait partie de ce qu’on espère et de ce qu’on nous promet sans arrêt, tant d’un point de vue politique avec l’espoir tant escompté d’une croissance revenue par exemple, que sur le plan personnel avec l’ouverture au monde que nous offrent les nouvelles technologies. Et pourtant, selon l’auteur, tous ces réseaux, ces procédures, cette rationalité calculée se développent au profit de l’impérialisme du marché et au détriment des libertés publiques : poussé à l’extrême, ce système devient alors une menace pour la démocratie.
Le lien social se voit progressivement grignoté par la rationalité des instruments numériques et des procédures normatives. Or, en politique comme en psychanalyse un sujet ne saurait exister sans parole, sans autrui : dans les deux disciplines, les grilles d’évaluation statistiques ont remplacé le dialogue clinique et les récits de vie. La technique remplace l’éthique.
Du bonheur à la sécurité
La société de consommation nous ayant comblé de tout (biens matériels et divertissants, santé pour tous, propriété pour chacun, accession au statut de classe moyenne, ascenseur social des enfants, retraites dorées, congés payés…), le discours politique se porte alors sur la promesse de « sécurité » si rassurante lorsque le bonheur s’amenuise. Comme les politiques peinent de plus en plus à rendre les citoyens heureux, ils axent donc leurs promesses sur la protection contre le risque de devenir plus miséreux.
Les automatismes, notamment numériques (bien plus souples !), influencent insidieusement les conduites humaines. Comme la religion ou les régimes totalitaires qui font miroiter le bonheur, les dispositifs de gouvernement font de même via une dépendance aux techniques et aux procédures qui font fi du dialogue voire du conflit social dans lesquels l’Autre existe.
Dans ce livre, Roland Gori démontre que nos gouvernants actuels doivent relever ce défi du « langage de l’humanité » car « avant d’être une jouissance matérielle le bonheur était bonheur public, c’est à dire liberté, liberté politique qui invitait les humains à devenir ensemble ordonnateurs de leur propre destin ».
Roland Gori est professeur émérite de psychopathologie clinique à l’université d’Aix-Marseille et psychanalyste, initiateur en 2009 de l’Appel des appels. Auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels : « De quoi la psychanalyse est-elle le nom ? » (2010), « La dignité de penser » (2011), « La fabrique des imposteurs » (2013), beau succès de librairie.