Le tribunal de Paris a débouté en référé trois particuliers qui reprochaient à Wikipédia d’avoir publié des informations portant atteinte à leur vie privée. Wikipedia a donc gagné une première bataille judiciaire.
Selon l’avocat de Wikipedia, Me Jean-Philippe Hugot, "c’est une première en France". C’est la première fois en effet que quelqu’un cherche à engager la responsabilité éditoriale de l’encyclopédie en ligne.
Fin septembre, un article diffusé sur Wikipedia dévoilait l’homosexualité des trois plaignants. On y insinuait en outre que l’un d’eux n’avait pu adopter ses deux enfants que grâce à son militantisme dans le domaine des droits des minorités sexuelles. Les trois particuliers ont alors décidé d’assigner en justice la Wikimedia Foundation, propriétaire de l’encyclopédie en ligne, pour "diffamation" et "atteinte à la vie privée". Ils réclamaient à l’hébergeur quelque 69.000 euros.
Dans une ordonnance de référé rendue lundi, le tribunal de grande instance de Paris a jugé qu’il "n’apparaissait pas avec évidence (…) que la reponsabilité de la fondation Wikimedia s’était trouvée engagée" et a débouté les plaignants de leurs demandes d’indemnisation.
Florence Devouard, présidente du conseil d’administration de la Fondation Wikimedia, a déclaré à l’AFP qu’il s’agissait d’une décision "très claire", et "apprécie le fait que le tribunal reconnaisse notre qualité d’hébergeur et non d’éditeur".
Selon Mme Devouard, l’information précisant les orientations sexuelles de ces trois personnes avait été introduite de façon anonyme dans un article de Wikipedia, avant d’être "retirée rapidement, même si elle est restée un temps accessible dans l’historique du site".
"Un des plaignants nous a envoyé un mail que nous n’avons jamais reçu, avant de se tourner vers son avocat. Or, dès qu’on nous informe de ce type d’erreur, nous essayons toujours de réagir dans les heures qui suivent pour retirer ce genre d’information", a précisé Mme Devouard. A ce sujet, le tribunal a considéré que les deux courriels envoyés par les plaignants ne constituaient pas une notification "dans les formes".
En outre, le juge des référés a estimé que Wikipedia n’avait pas à fournir les données d’identification de l’internaute qui avait rédigé les propos incriminés. En effet, "seul le fournisseur d’accès (et non l’hébergeur, ndlr) peut être en mesure de communiquer les données permettant d’identifier précisément son utilisateur".
Si cette décision est encourageante pour les hébergeurs, elle ne constitue en rien une jurisprudence. D’autant que ces derniers mois, d’autres tribunaux ont rendu des décisions allant en sens inverse en reconnaissant la responsabilité éditoriale des hébergeurs.
De ce fait, l’encyclopédie est la cible de critiques récurrentes sur sa fiabilité. Fin octobre, un premier colloque réunissant à Paris la communauté française de Wikipedia avait vu s’opposer "wikipediens", favorables à l’arrivée de spécialistes pour améliorer la qualité des articles, à d’autres qui redoutaient l’instauration d’une hiérarchie entre internautes.