En 2008, Naomi Klein, jounaliste (The Nation et The Guardian), essayiste et réalisatrice, diplômée de la prestigieuse London School of Economics, publiait un livre "La stratégie du choc" (Actes Sud), dans lequel elle montrait comment, à chaque fois qu’il y a une crise, celle-ci est immédiatement suivie de réformes économiques venant pénaliser la population. Ainsi, les mesures de rigueur passent plutôt inaperçues sous couvert de la crise. Les ultralibéraux, dont le théoricien le plus célèbre des années 50 est Milton Friedmann, n’ont eu de cesse d’utiliser cette "stratégie du choc".
Qu’y a-t-il de commun entre le coup d’Etat de Pinochet au Chili en 1973, le massacre de la place Tiananmen en 1989, l’effondrement de l’Union soviétique, le naufrage de l’épopée Solidarnosc en Pologne, les difficultés rencontrées par Mandela dans l’Afrique du Sud post-apartheid, les attentats du 11 septembre, la guerre en Irak, le tsunami qui dévasta les côtes du Sri Lanka en 2004, le cyclone Katrina, l’année suivante, la pratique de la torture partout et en tous lieux (Abou Ghraïb ou Guantànamo) aujourd’hui ? Tous ces moments de notre histoire récente, répond Naomi Klein, ont partie liée avec l’avènement d’un "capitalisme du désastre". Naomi Klein dénonce, dans ce livre, l’existence d’opérations concertées dans le but d’assurer la prise de contrôle de la planète par les tenants d’un ultralibéralisme tout-puissant. Ce dernier met sciemment à contribution crises et désastres pour substituer aux valeurs démocratiques, auxquelles les sociétés aspirent, la seule loi du marché et la barbarie de la spéculation.
Cette histoire secrète du libre marché me fait penser à ce qu’on vit actuellement : suite à la crise financière et économique qui sévit, tous les pays européens adoptent des politiques de rigueur avec réduction des fonctionnaires et de leurs salaires, transfert des services de l’Etat vers d’autres niveaux de décision, baisse des diverses prestations sociales, augmentation des tarifs des services publics (gaz, électricité, SNCF…), diminution des contributions des entreprises (suppression de la taxe professionnelle, baisse de la TVA dans la restauration…) : au final, on en demande plus aux citoyens et moins à l’Etat, comme si les marchés allaient ainsi s’autoréguler !
D’ailleurs, ce matin sur France Inter, Jean-Paul Fitoussi, économiste président de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), parlait bien aussi du retour de la doctrine de Milton Friedmann…